Maurice Perron
MAURICE PERRON (1920-1991)
Maurice Perron naît à Paris, le 20 avril 1920, de Marie Alexandrine Vuillen et de Joseph Perron. Ses parents, tous les deux originaires d’Arvier, ont quitté leur village en 1906 pour émigrer à Paris, où ils se sont mariés.
Maurice perd son père à la suite d’une maladie alors qu’il n’a que dix ans et, pour subvenir aux besoins de la famille, sa mère travaille comme femme de ménage.
Malgré ces conditions de vie modestes, Maurice est plein de bonne volonté : pendant la journée, il travaille comme cordonnier et, le soir, il suit des cours pour devenir géomètre.
En mai 1937, sa mère et lui reçoivent un héritage de la part d’une tante de Leverogne, ils décident donc de rentrer en Vallée d’Aoste. Malheureusement, cet héritage s’avère bien maigre et les Perron doivent s’installer dans la maison de Marie Alexandrine, à Arvier.
A son arrivée en Vallée d’Aoste, le jeune homme ne parle pas un mot d’italien cependant, courageux et fier, il apprend la langue en lisant le journal.
Il essaie de gagner sa vie en pratiquant son métier de cordonnier, mais les temps sont durs et son travail ne paie pas.
Ainsi, le 2 mai 1940, Maurice entre-t-il à la Cogne comme ouvrier, puisque ses études de géomètre ne sont pas reconnues en Italie. Encore une fois, sa volonté tenace et sa force de caractère sont telles, qu’après quelques années, ses supérieurs hiérarchiques le nomment au poste de réceptionnaire (voir photo du 30 novembre 1976).
Il y travaille jusqu’à son départ en retraite, le 30 novembre 1977.
C’est à la Cogne que Maurice fait une rencontre qui change sa vie : son collègue Pierre Fosson lui demande de se porter candidat au poste de conseiller régional.
Travailleur honnête et homme à la droiture morale indéfectible, Maurice Perron accepte, espérant sans aucun doute pouvoir apporter sa contribution à la communauté valdôtaine.
Il obtient 15 693 voix avec la liste Democrazia Cristiana-Union Valdôtaine et exerce comme conseiller régional du 21 mai 1949 au 8 décembre 1954, durant toute la 1ère législature de l’après-guerre.
Etant le conseiller le plus jeune – il n’a que 29 ans -, il est nommé secrétaire du Conseil.
Dans le cadre de son mandat de conseiller, il suit d’abord les travaux de construction du pont d’Avise et, dès 1950, lui qui ne voyage que par le train et rentre très souvent avec celui du soir, il fait tout ce qui est en son pouvoir pour obtenir un train en fin d’après-midi, afin que les ouvriers et les lycéens puissent rentrer plus tôt chez eux.
Chaque jour, quand il revient du travail ou de ses réunions à Aoste, Maurice doit encore s’occuper de sa mère, qui est devenue gravement invalide. Fils dévoué, il ne se mariera jamais et veillera sur elle jusqu’à sa disparition, en 1960.
En 1953, le conseiller régional Maurice Perron lance les travaux de construction du réseau d’adduction d’eau et des égouts d’Arvier, ainsi que la réalisation du pavage du bourg.
Dans une optique plus internationale, il fonde de grands espoirs dans la percée du tunnel sous le mont Blanc, car il croit en l’ouverture des frontières avec la France et avec la Suisse.
Curieusement, il ne retournera jamais à Paris et s’éteindra à Arvier, le 5 janvier 1991 après avoir mené sa vie comme un homme simple mais honnête et honorable, fidèle, loyal et droit.
Grand ami du chanoine Bréan, bien qu’athée, et fervent admirateur de Corrado Gex, il laisse lui aussi une trace dans l’histoire de notre région, comme en témoignent les nombreux articles de presse dans lesquels il défend les travailleurs (**), il se bat pour la moralité du monde politique ou encore il prend position pour la défense du bilinguisme.
A sa mort, le président du Conseil, Edoardo Bich, fait une communication lors du Conseil régional du 9 janvier 1991 et dresse un portrait élogieux de notre concitoyen :
« Permettez-moi quelques mots pour vous dire que, dimanche dernier, à Arvier, une foule d’amis, d’autorités municipales et régionales et d’anciens conseillers devait accompagner à sa dernière demeure un ancien conseiller régional de la première législature élective, c’est-à-dire 1949-54, monsieur Maurice Perron, élu dans la liste de la coalition PCI-Union Valdôtaine, comme représentant de l’Union Valdôtaine.
Il avait à peu près mon âge, un an de plus, et je l’avais connu dans les années chaudes, si on peut dire comme ça, de la lutte politique, au lendemain de la libération, en Vallée d’Aoste. A plusieurs occasions nous avons discuté et fait aussi des projets ensemble. Issu, comme formation, de la Gauche française, de l’école dogmatique des universités ouvrières, parfaitement francophone, c’était un Valdôtain avant tout ; un de ceux qui, malgré des idées un peu extrémistes et anarchiques, avaient contribué à la naissance et à la croissance de la Région autonome.
Conseiller régional durant une législature, pionnier et dirigeant de l’Union Valdôtaine, il avait milité dans le syndicat à la Cogne où il fut victime de cette silicose qui devait contribuer à son départ.
Je souhaiterais conclure ces quelques mots en exprimant tout d’abord mon émotion sincère et en évoquant un épisode à mon sens tout à fait significatif pour notre Vallée d’Aoste. Maurice Perron était, sans aucun doute, un homme de Gauche, mais, lorsque l’Union Valdôtaine décida que ses adhérents ne pouvaient avoir deux cartes, il choisit celle de l’unioniste, tandis que son grand ami Claudio Manganone opta pour le Parti Communiste. C’est là un épisode qui témoigne bien, à mon sens, le patient et dur labeur, l’identité particulière autant du moment politique de l’époque que de cette communauté valdôtaine qui, en revendiquant sa spécialité, prouve qu’elle peut s’opposer à une homogénéisation dégradante. »
(**)
Dans « Le chemin du S.A.V.T. (SYNDICAT AUTONOME VALDÔTAIN DES TRAVAILLEURS) 1952-2002 – Chapitre 2 : le syndicalisme valdôtain » publié en décembre 2003, l’on peut lire une déclaration de Maurice Perron, datant de mars 1950, c’est-à-dire peu après le début des travaux de construction de la digue de Valgrisenche par la société SIP, quand les villages de Valgrisenche, d’Arvier et d’Avise subirent les graves conséquences économiques liées aux expropriations effectuées par la société, ainsi que les difficultés de transport et de communications dues aux travaux. Au sujet des embauches et des conditions de travail, le conseiller régional écrivit : « Nous ne croyons pas superflu non plus de rappeler encore une fois que l’article 15 de la loi du 27 avril 1949 sur l’embauchage et l’assistance aux travailleurs involontairement en chômage, spécifie que les travailleurs ayant leur résidence dans les localités où se font les travaux doivent être embauchés de préférence aux autres. Et que l’article 27 de la dite loi établit aussi que les employeurs qui n’embauchent pas les travailleurs dont ils ont besoin par l’intermédiaire des bureaux de placement, sont passibles d’une amende … pour chaque ouvrier embauché irrégulièrement », ce qui témoigne encore de son intérêt pour la défense des droits des travailleurs en général et de ses concitoyens, en particulier.